Episode 1 – Le départ de l’arrivée

Je ne sais pas quand toute cette histoire a commencé, mais elle répond à une quête de sens qui ne m’a jamais quitté. A l’entrée dans l’âge adulte, je me demandais déjà si nous n’étions que de grosses éponges aptes à absorber tout ce qui se présentait et dont l’essorage alimentait un cours de vie. Prisonnier des sens, j’en concluais que nous n’étions que le produit de notre environnement, j’affirmais le non sens de la vie et regrettais de ne pas pouvoir regarder la vie comme une vache regarderait un train.

Par contre je me souviens exactement des moments propices dans ma vie où j’ai pu enfin mettre des mots sur cette quête de sens. Alors, j’ai planté au cœur d’une terre apaisée, les germes de cette nouvelle aventure pour une liberté tant espérée. A force de temps, de confiance et d’énergie, petite pousse est devenue grande. Une fleur de Bouddha. Je me souviens avec humour des premiers temps où 20 minutes assis sur un coussin de méditation les yeux fermés semblaient durer une éternité, et où seul le gong de fin procurait un sentiment de libération. Aujourd’hui, c’est lorsque je m’assois sur ce coussin pour fermer les yeux que je perçois enfin le chemin de ma libération. Que dire alors du choix difficile que j’ai fait de partir en Birmanie afin de surpasser les limites à la liberté, et découvrir toujours plus loin ce sens que j’ai tant cherché. 7 semaines d’une aventure immobile, où l’esprit se confronte à un miroir, dans un face à face sans concession. Il est loin le temps des 20 minutes…

Mais partir c’est aussi quitter ceux que l’on aime, ce à quoi l’on tient. Chaque séparation est une souffrance même lorsqu’elle se fait au nom d’un idéal, et il est difficile de faire le choix que rien ne soit plus comme avant sans avoir peur de perdre l’essentiel. Tout comme il est difficile d’accepter de perdre le confort et le réconfort d’un quotidien prospère.

Et même si il me fallait avancer à contre courant, je choisissais de faire ce que je croyais le plus juste, marcher librement à la lumière de ce qui fait sens pour moi. Une marche pas toujours confortable, source parfois d’une agitation qui se prolongeait  jusque dans les premiers jours de mon arrivée.

Note : les extraits de mon carnet de méditation sont écrits en noir et en italiques

Au soir de l’arrivée à Rangoon

Bien que n’ayant pas fait usage de mon don pour l’endormissement dans l’avion (malgré 17h de vol), j’ai réussi à pousser jusqu’à maintenant (20h30, je suis arrivé à midi).

La fête de la découverte de la Paya Shwedagon (un des plus fameux temples de Birmanie) a été gâchée par un guide déguisé en ami (collé à mes basques, prophétisant que les changements qui s’opéraient ce jour m’amèneraient à plus de bonheurs que dans les années précédentes- Merci le guide !)- Une amitié à dix dollars (pour un fils étudiant à l’étranger- enfin…peut être).

Le  « quêteur spirituel » que je suis a été frappé par l’idolâtrie et l’exubérance du lieu, et j’ai du faire face à une certaine déception, suscitant  une réflexion imagée qui m’a suivi tout au long de mon voyage : C’est comme si en cherchant le doux souffle de l’amour d’une femme,  j’étais d’abord saisi par les effluves du sexe et de la transpiration.

Une ville dense aux flux tranquilles malgré le bouillonnement.

La fatigue nourrit beaucoup un voile terne et pesant. N’oublie pas les raisons de ta présence !

2ème jour à Rangoon

Après une journée marquée par une petite arnaque au change et la rencontre avec un faux moine  aspirant à de vrais bénéfices, une discussion dinatoire mi-figue mi-raisin avec un vieux noir américain conservateur ( …) :

J’ai la sensibilité heurtée. Au résultat, le voile romantique ne tient pas, je me rappelle de mon but premier, mais dois je les remercier ? (pour ce rappel frontal au réel)

3ème jour

Je suis fatigué car la nuit précédente, le sommeil a été quasi inexistant, troublé par l’angoisse.

J’ai passé une bonne journée à déambuler tranquillement. Les gens ont un regard bienveillant et même ici Thierry Henry est reconnu.

C’est ma dernière nuit avant demain et le grand saut vers l’inconnu…comme chaque pas du quotidien, mais celui la semble plus grand car il est sans forme à laquelle se rattacher Ah Ah Ah.

Les rires tiennent à la blague bouddhiste de 12ème degré, car comment pourrait-on se rattacher à ce qui n’existe pas encore !!

Sentiments troublés, partagés, mitigés.

Pourvu que j’arrive à me rappeler qu’espoirs et craintes ne sont que de simples expériences, qu’il faut les aborder sans tension et avec le moins de fatigue possible.

Ne cherche pas à obtenir, ne sois pas trop focalisé, mais laisse le cours des choses se dérouler naturellement, sans juger ni trop t’impliquer. Courage et bienveillance, reste simple

4ème jour : L’arrivée au centre

Une heure de taxi et la ville s’effacait au profit d’une campagne verdoyante. Le soleil de midi me cuisait la nuque à l’arrière du taxi. En pleine bascule entre deux monde, je me laissais porter par le mouvement avec une certaine distanciation,  je laissais le monde et le centre venir à moi.

Une grande grille et le premier pas.

Avec 2 nuits troublées et un petit début de tourista, il y avait un risque (pour l’esprit) d’ « exploser » si les contraintes étaient trop grandes.

Résultat : Un endroit idéal, vaste, à l’écart de la ville (ce qui n’empêche pas, parait-il, le bruit) entouré de champs et de végétation. Une chambre simple avec sommier en latte de bois recouvert d’une fine natte. Et surtout, pas de rigueur mais une certaine liberté à organiser sa pratique.

Ma tête n’explosera pas et libre à moi de conquérir le droit à la libération. Voici un lieu qui respire le Dhamma (l’enseignement du Bouddha), sans « bourrage» de crâne, sans organisation régimentaire, ce qui ne sous entend pas qu’il n’y aura pas de difficultés à venir.

J’espère dormir (jusqu’à 3h30). A moi de façonner mon aventure, mais les grosses inquiétudes ont disparu. Merci à tous ceux qui ont fait que ce soit possible. Je suis fatigué mais l’aventure commence dans de bonnes conditions.

La suite au prochaine épisode …

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